La voie vers des systèmes alimentaires plus équitables et plus durables commence par la relation entre les consommateurs et les producteurs.

Yolda est une organisation de protection de la nature créé en 2015. Depuis le début, Yolda se concentre sur les pratiques culturelles traditionnelles et les systèmes de production qui bénéficient à la fois à la conservation de la biodiversité et à l'atténuation et l'adaptation à la crise climatique. Engin Yılmaz, directeur exécutif de Yolda, nous en dit plus sur l'importance des connaissances écologiques traditionnelles et la valeur des relations entre consommateurs et producteurs.
Le pastoralisme mobile
Travaillant au niveau international, Yolda collabore avec des communautés pastorales mobiles dans différentes régions afin de comprendre et de diffuser les avantages de cette pratique pour la biodiversité et l'action climatique. Les terres de l'une de ces communautés, Sarikeçili, ont récemment rejoint le projet Foodnected en tant que site pilote. Ils se déplacent dans une zone géographique de 300 km à travers la Turquie, passant l'hiver dans les pâturages de la côte sud et l'été sur les hauts plateaux des montagnes du Taurus.
Pastoralisme, explique Engin, est une forme d'élevage qui consiste à élever du bétail (principalement des espèces herbivores) et, surtout, il est totalement différent, par essence, des systèmes de production animale intensive. Nous utilisons le terme "mobile" pour englober les nombreuses façons dont les gens se déplacent avec le bétail, par opposition au pastoralisme sédentaire. Ainsi, le pastoralisme mobile fait référence aux nombreuses façons dont les gens se déplacent dans les paysages avec le bétail.
La définition du pastoralisme mobile peut varier car elle dépend fortement de la topographie de la zone où ces communautés se déplacent, du climat, du contexte socio-économique, etc. Cependant, dans tous les cas, ce système de production traditionnel présente des avantages pour la conservation de la biodiversité et les efforts d'atténuation et d'adaptation à la crise climatique.
Grâce à leur mobilité, ces communautés nomades assurent la connectivité entre les différents habitats et, par conséquent, soutiennent d'autres espèces en ce qui concerne la connectivité fonctionnelle et structurelle. Prenons le rôle qu'ils jouent dans la dispersion des graines : Les animaux mangent des plantes, ils transportent les graines de ces plantes via leur pelage, leur toison, leurs sabots et leurs excréments. Une étude scientifique menée en Espagne a montré qu'un troupeau de 1 000 moutons transhumants transporte près de 200 millions de graines ingérées sur 1 500 km. En outre, l'empreinte carbone de ces communautés est très faible, notamment en raison de leur mobilité. Elles utilisent très peu de carburant. Leur vie est adaptée au climat. Lorsqu'elles quittent un site, elles permettent à la végétation de se régénérer. Et surtout, elles jouent un rôle dans la préservation du patrimoine culturel".
Connaissances écologiques traditionnelles (CET)
La préservation des connaissances traditionnelles est l'une des valeurs fondamentales Le concept de "Foodnected" englobe les diverses interactions entre les communautés et la nature, ainsi que les interactions au sein de la communauté elle-même. Il s'agit par exemple de la gestion des troupeaux, du bien-être des animaux et des hommes, de la connaissance de la faune et de la flore, de la transmission des connaissances, etc.
Pour illustrer l'importance de ces connaissances, Engin prend l'exemple des interactions entre les communautés et les loups. Dans les Pyrénées françaises, il n'y avait plus de loups. Le gouvernement a donc pris des mesures pour réintroduire des loups dans les montagnes. Cela a créé un conflit entre les communautés de transhumance et le gouvernement français. L'un des aspects importants de ce conflit était que les communautés ne détenaient plus autant de connaissances écologiques traditionnelles que par le passé pour affronter et atténuer les conflits contre ces prédateurs, ce qui a rendu l'expérience très traumatisante pour elles. En Turquie, il y a 7 000 loups et aucun d'entre eux n'est considéré comme traumatisant par les communautés nomades, parce qu'elles vivent ainsi depuis des siècles. Elles utilisent des outils particuliers pour lutter contre le loup, comme les chiens. Il y a aussi des chiens dans les Pyrénées françaises, mais en Turquie, les connaissances sur le choix de la bonne race, le bon dressage, la gestion de la meute de chiens et le nombre de chiens qu'elle doit comporter sont encore très riches. Tout cela varie bien sûr en fonction de la région et de l'environnement. Nous pensons donc que ce type de connaissances doit être conservé. Ces communautés vivent dans l'incertitude depuis des siècles et leur vie quotidienne est adaptée pour répondre aux changements. Ces connaissances recèlent également une sagesse qui peut aider à élaborer des réponses à des crises telles qu'une pandémie".
La relation entre les producteurs et les consommateurs
Depuis sa création, Yolda, tout comme Foodnected, tente de réduire la distance entre les producteurs et les consommateurs. Dans notre cas, raccourcir les chaînes de valeur ne signifie pas vendre et acheter localement, puisque les communautés se déplacent sur de longues distances. Il s'agit d'essayer d'éviter tout autre acteur le long de la chaîne et de faire en sorte que les consommateurs et les communautés partagent la même vision de la production et de la consommation d'aliments.'
Pour Yolda, l'homme est un élément essentiel de l'écosystème et la relation entre les consommateurs et les producteurs est cruciale pour parvenir à des systèmes alimentaires plus durables et plus équitables. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur une dichotomie entre la nature et la culture. La nature apporte des avantages à la culture, mais la culture peut également apporter des avantages à la nature. Et c'est ce que nous attendons des consommateurs : qu'ils adoptent le même mode de pensée. Cela nous aidera à plaider en faveur d'un cadre juridique approprié pour soutenir les producteurs durables plutôt que les systèmes de production industriels, et nous pourrons alors avoir un impact aux niveaux régional, national et mondial. Cela doit commencer par la relation entre les consommateurs et les producteurs".
